ÉDITO
Combat
Si l'on en croit la thématique choisie pour la prochaine biennale
de Venise, l'architecture de combat est de retour. Son commissaire,
le Chilien Alejandro Aravena, l'a affirmé pendant sa conférence
de presse donnée à Paris le 24 février. L'architecture se doit
de proposer des solutions aux maux qui minent la planète. Et de lister,
à l'aide d'un schéma ad hoc et dans le désordre : les
inégalités, les ségrégations, les migrations, les catastrophes
naturelles, l'insécurité, l'accès aux soins, la congestion urbaine,
l'étalement des périphéries, les déchets et les pollutions. "Mais
ce ne sera pas facile", concède-t-il. Si l'on peut raisonnablement
considérer que l'architecture a cette capacité à résoudre localement
et concrètement - c'est sa force - des situations difficiles, elle
a besoin pour cela de la confiance de ses commanditaires, publics
et privés, et du soutien des politiques. Ce qui est loin d'être gagné,
comme en témoignent les errements concernant le projet de loi "Liberté
de la création, architecture et patrimoine" en cours d'examen au
Parlement. Et nécessite de batailler à chaque instant, car, comme le dit
encore Aravena, "les forces qui façonne le cadre de vie construit
ne sont pas nécessairement amicale" ! Le Pritzker 2016 pointe notamment
"l'avidité et l'impatience du capital, ou le conservatisme
de la bureaucratie". S'il est un domaine où l'architecture peut jouer
à plein un rôle social et environnemental, c'est celui, encore
balbutiant en France, du réemploi de matériaux (lire notre dossier).
Un seul chiffre, effarant : 50 millions de tonnes de déchets, provenant
des démolitions et rénovations, sont produits chaque année dans
l'Hexagone par le secteur du bâtiment. C'est presque deux fois plus que
les déchets ménagers. L'idée d'en récupérer au moins une partie pour les
recycler, ou mieux, les réemployer, fait son chemin. Une filière
commence à s'organiser, à l'initiative de collectifs d'architectes comme
Bellastock en France, ou Rotor en Belgique. Là encore, le combat est
long, tant les obstacles d'ordre culturel, financier et réglementaire
sont nombreux. Sans parler des codes esthétiques de l'architecture qui,
eux, s'en trouvent bouleversés.
Gilles Davoine, rédacteur en chef