Au sommaire :
Un événement sur la réhabilitation des tours Nuages
d'Emile Aillaud à Nanterre, un dossier sur l'apprentissage par
l'expérimentation à l'échelle 1, des détails sur les bardages en bois et
une matériauthèque consacrée aux métaux et composites. Mais aussi les
réalisations du mois: l'église Anastasis par Alvaro Siza à
Saint-Jacques-de-la-Lande, un centre de loisirs et une salle de danse
par OECO à Cabestany, l'extension du musée-franco-américain de
Blérancourt par les Ateliers Lion, des logements sociaux par Guillaume
Ramillien à Fourchambault, ainsi que le nouvel escalier du musée national d'Art moderne à Paris par Studiolada et Png. En référence, Claude Guislain (1929-2011), pionnier de l'habitat participatif en France.
Edito
Fission nucléaire
La conception d'une habitation est le métier de base de l'architecte.
«Ce qui se passe dans un logement est plus complexe que la fission
nucléaire car moins maîtrisable. L'architecte est justement là pour
rendre possible ce qui n'est pas maîtrisable», déclarait Frédéric Borel
le 16 février, lors d'une matinée consacrée au logement à la Cité de
l'architecture. Et Anne Lacaton de renchérir: «L'habiter ne concerne pas
seulement les quatre murs de la cellule du logement, mais tout ce qu'il
y a autour: jardins d'hiver, loggias, locaux pour le linge ou les
vélos... tout ce qui peut donner plus de liberté, de confort, de plaisir
et même, de luxe.» Habiter un lieu, cette expérience humaine
fondamentale, devrait offrir à tous des conditions d'épanouissement,
d'apaisement et de ressourcement. On en est loin.
Car le rôle de l'architecte dans le logement se restreint. Souvent
évincé du chantier, il est en passe de devenir un décorateur de façades,
son statut d'expert de «l'habiter» lui étant dénié. Quelques centaines
d'entre eux -dont plusieurs lauréats de l'Equerre dargent ou de grand
prix d'architecture et d'urbanisme- ont signé une tribune dans Le Monde du 14 février pour
alerter le gouvernement. Ils pointent notamment «la diminution
progressive des surfaces [-15% en moyenne en dix ans pour un
trois-pièces], les cuisines en second jour, les espaces additionnels
passés à la trappe, les matériaux médiocres entraînant vices cachés,
malfaçons et donc coûts supplémentaires d'entretien et de réparation».
Le projet de loi Evolution du logement et aménagement numérique (Elan),
qui sera présenté fin mars en Conseil des ministres, fait craindre une
aggravation de la situation. Déjà, les promoteurs privés construisent,
en Vefa, plus de 50% des logements sociaux et les organismes HLM
peuvent, sous certaines conditions, déroger au concours d'architecture. La loi en préparation, sous
prétexte de simplification et d'accélération de la production du
logement social -et pour compenser la réduction des APL- pourrait aller
plus loin, en remettant en cause la loi MOP de 1985 relative à la
maîtrise d'ouvrage publique. En abandonnant carrément le principe du
concours, ce «moment d'intelligence collective» -comme le dit le nouveau
président de l'Ordre, Denis Dessus- qui permet, en amont, de régler
bien des problèmes. A vouloir sacrifier le temps de la réflexion et de
la conception, on renonce à la qualité. Vouloir faire «plus vite et
moins cher», c'est rarement faire mieux; mais plus souvent, faire pire.
Gilles Davoine