Éditorial
Le rural, champ d'expérimentation - L'Hexagone n'est pas un bloc. Il y a deux France, celle des métropoles et celle de la ruralité. D'aucuns diraient fracture. Mais qu'est-ce que le rural au juste ? La moitié de notre pays, soit 18 311 communes, n'appartient pas à ce qu'il est convenu d'appeler des aires urbaines. Des territoires très diversifiés où vivent 9,7 millions d'habitants, soit 15 % de la population.
On se souvient qu'en 2008, au moment du débat sur le Grand Paris, Rem Koolhaas, invité à participer au Centre Pompidou à un colloque sur les enjeux métropolitains, a surpris tout le monde en décalant le propos sur... la ruralité. En l'occurrence un village à la montagne.
À l'heure des Amap, ces associations pour le maintien d'une agriculture paysanne, et autres circuits courts, il y a plus d'une bonne raison de se préoccuper de la question rurale. Nul doute que cela représente un formidable potentiel, qui tire sa force d'un patrimoine naturel et bâti. Autant de micro-régénérations à opérer. D'où ces vocations d'architecte de campagne”, si bien incarnées par le travail de Simon Teyssou dans le Cantal, par exemple ; d'où ces engagements de jeunes architectes pour la cause rurale, du nord au sud, à l'image d'Amélie Fontaine dans l'Avesnois ou d'Orma en Corse. L'avenir serait-il à la campagne ?
Cette année, et c'est un signe, la Biennale d'architecture de Venise, axée sur le thème Freespace”, fait émerger le sujet. Tandis que l'Italie milite pour la reconquête des territoires intérieurs (Arcipelago Italia”), la Chine porte un regard appuyé sur la ruralité : en différents lieux du site de l'Arsenale, avec le travail de Xu Tiantian, femme architecte impliquée dans les territoires ruraux de la région de Songyang, avec le pavillon chinois qui affiche Building a future countryside”. Aux Giardini, ce sont Wang Shu et Lu Wenyu qui, dans le pavillon international, invitent le public à traverser leur installation tout en bois de récupération pour qu'il prenne la mesure du travail de sauvetage de villages. Et c'est le même Wang Shu, seul Pritzker chinois à ce jour, qui, depuis six ans, milite à son échelle pour la reconquête des zones rurales dans les vallées du Zhejiang, comme une alternative à la mégalopole. Une opportunité pour développer une coopération franco-chinoise au sein d'écoles d'architecture. Quant aux architectes-enseignants Marc Botineau et Bita Azimi (deux des trois associés de l'agence Cab), ils assurent depuis quatre ans un workshop rural” dont le terrain de recherche est Nuillé-sur-Vicoin, un village de 1 260 habitants en Mayenne.
Quelle leçon tirer du vernaculaire et de ses mutations ? C'est un véritable sujet de notre époque et le thème de ce numéro riche en expériences à suivre et à développer.
Francis Rambert