Peut-on être architecte sans avoir lu Heidegger ?
Peut-on bâtir au sens vrai sans avoir approché la pensée, complexe et profonde, de l'auteur, en 1951, de l'essai « Bâtir, habiter, penser » ? La question peut sembler incongrue ; elle s'impose pourtant comme une évidence à la lecture de ce livre.
Partant du fait qu'il ne suffit pas d'être abrité pour habiter,
différence primordiale que Heidegger établit tandis que l'Allemagne
de l'après-guerre construit à tout-va, c'est à la question de l'être
de l'homme qu'il en vient. Et, au fil de sa réflexion, l'architecte, que
le philosophe appelle à être jardinier du monde, se révèle être
un protagoniste clé de l'accomplissement de l'existence humaine.
La
dissection méthodique et éclairante du raisonnement heideggérien opérée
ici a le mérite de ne pas s'adresser aux seuls philosophes ; tout
architecte ou apprenti architecte y trouvera matière à nourrir à la fois
sa sensibilité intime et sa pratique. À l'instar d'un Alvar Aalto
ou d'un Peter Zumthor dont les emblématiques thermes de Vals, décryptés
dans cet ouvrage, sont une incarnation consciente et explicite de ce que
l'architecture doit au philosophe allemand.