Lorsqu'on parle d'architecture en France, il semble qu'on affronte un inextricable imbroglio ; de quoi parle-t-on en effet ?
Des plans produits à la suite de concours internationaux, des logements
fabriqués en France depuis 1945, des idées des architectes sur le
bonheur de vivre, des maisons sur catalogue ?
Des faits bien établis montrent que l'architecture ne se produit pas
dans le vide de l'esthétique et même, qu'elle nous renseigne sur la
société dans laquelle elle surgit. Aspect de l'activité humaine
hautement spécialisé, elle nous fait entrevoir une « raison spatiale »
dont les fantaisies commencent à la Renaissance italienne et ne cessent
plus, depuis, de nous confondre d'admiration et d'inquiétude.
Dans
la première partie de l'ouvrage, Henri Raymond convoque les grands noms
de l'architecture, de l'histoire de l'art, de l'ethnologie, de la
philosophie - de Léonard de Vinci à Bourdieu, en passant par Ferdinand
de Saussure, Bruno Zevi, Le Corbusier, Francastel, Emmanuel Kant,
Françoise Choay, Claude Lévi-Strauss... Il expose leur idéologie de
l'espace à travers les différentes conceptions de l'architecture.
Dans la seconde partie, il se penche sur le grand paradoxe de l'architecture, activité qui porte principalement sur la vie quotidienne
et qui, dans le même temps, s'efforce de toutes les manières de s'en
évader. Il part ainsi du constat que les habitants d'un ensemble ne sont
jamais invités à faire connaître leur point de vue, sinon lorsque
l'essentiel est fait. Or, la banalité, fait-il remarquer, dissimule
souvent la découverte, l'insignifiance, le sens véritable. Surtout,
Henri Raymond oblige à se poser la question de la validité des formes
produites par l'architecte et l'urbaniste, qui guident inconsciemment la
production d'un espace dans lequel les habitants sont priés de
s'adapter.
« La
parole des habitants semble un mélange peu discernable de banalité et
de contradictions. Quand on entend des habitants d'un grand ensemble
situé sur un terrain complètement gazonné se plaindre du manque
”d'espaces verts”, on est porté à mettre sur le compte de la bêtise, de
l'emploi incontrôlé du vocabulaire, ce que l'on enregistre. Or, le
manque d'espaces verts, ici, c'est l'absence de squares, la déficience
des équipements comme les jardins, bref, ce qui fait la ville. La parole
de l'habitant est bien plus subtile qu'il n'y paraît au premier abord. ».