Au sortir de la Seconde Guerre
mondiale, le gouvernement français décide de changer un pays
essentiellement rural en une nation urbaine moderne. L'auteur montre que
les projets de construction suburbains n'ont rien d'anarchique et
découlent d'une volonté fervente de l'État. Il révèle les complexités
théoriques, sociologiques et administratives de cette entreprise.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Anne Müller, Isabelle Taudière, Leslie Talaga
La France, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, connaît une crise du
logement sans précédent, dont l'appel de l'abbé Pierre en 1954 marque
le paroxysme. Une action forte s'avère indispensable. C'est dans ce
contexte que l'État français a entrepris, dès 1945, l'une des plus
formidables expériences sociales et architecturales du XXe siècle :
transformer un pays essentiellement rural en une nation urbaine
résolument moderne - cela en bâtissant massivement, en périphérie des
villes historiques. Si ces environnements suburbains d'après-guerre,
hérissés de tours, de barres et de mégastructures, sont souvent perçus
comme le résultat anarchique d'un désintérêt politique, Kenny Cupers
démontre que leur construction a, au contraire, été guidée par de
ferventes ambitions et aspirations, notamment au sein de
l'Administration. Synthèse très documentée d'une vaste révolution
urbaine, des bidonvilles de l'après-guerre jusqu'aux villes nouvelles,
ce livre relate et analyse trois décennies d'expérimentations au cœur
desquelles était placé l'habitat, nouvel enjeu du modernisme, et établit
une véritable généalogie de la banlieue française. Cette histoire
détaillée des projets urbains de grande envergure menés par la France
d'alors - et qui se sont révélés être une spécificité nationale - met au jour toute la complexité théorique, sociologique, administrative, etc., qui sous-tend la réalisation de ce « projet social ». Cet ouvrage, servi par une iconographie riche et évocatrice, s'appuie en outre sur de précieuses archives de première main.
Universitaire américain formé à Harvard, Kenny Cupers enseigne
l'histoire et la théorie de l'architecture à l'université suisse de
Bâle. Spécialiste de l'Europe des XIXe et XXe
siècles et de ses relations avec le monde transatlantique et l'Afrique
post-coloniale, son travail se situe à l'intersection entre
architecture, espace urbain et sciences sociales. Ainsi, l'un de ses
principaux ouvrages, cosigné avec l'architecte allemand Markus Miessen, Spaces of Uncertainty : Berlin Revisited
(Birkhäuser, 2017), explore-t-il la question de l'importance sociale, à
Berlin, des espaces laissés à l'abandon. Son travail le plus récent,
qui donnera lieu à un ouvrage collectif, est quant à lui consacré à
l'architecture du néolibéralisme. The Social Project : Housing Postwar France,
publié en 2014 (Minnesota University Press), a été primé à plusieurs
reprises. Chercheur très actif dans sa discipline, il multiplie les
publications, les conférences et les contributions à des ouvrages
divers.