Technique et Civilisation — paru initialement aux États-Unis en 1934 sous le titre Technics and Civilization —,
est publié pour la première fois en français en 1950 (Seuil). Lewis
Mumford y analyse le mode de pensée industriel et retrace l'histoire de
l'évolution technologique, du règne de la machine et de la paupérisation
de l'homme au travail. L'ouvrage est alors considéré à bien des égards
comme révolutionnaire et visionnaire. Jusque-là, les historiens et
économistes s'étaient arrêtés à une vision historique étriquée,
soulignant le développement de « la machine » à partir du XVIIIe
siècle et son rôle dans la formation de la société moderne. Avec
Technique et Civilisation, c'est la première fois qu'est résumée - sous
forme de liste - l'histoire technique des civilisations occidentales
depuis le Xe siècle. Mais surtout, Lewis Mumford y présente
le développement technique dans le cadre d'une écologie sociale plus
générale, comme un élément de la culture humaine, et s'applique à
révéler les relations constantes entre le milieu social et les
réalisations spécifiques de l'inventeur, de l'industriel, de
l'ingénieur. Sa théorie repose sur un postulat inédit : ce qui définit
l'humanité ne réside pas dans l'utilisation des outils (la technique) mais dans l'utilisation du langage (les
symboles). Véritable pionnier, Mumford développe une vision du monde où
la surenchère technologique est observée à l'aune des effets
dévastateurs qu'elle a sur l'environnement et sur le rapport de l'homme
au travail. Pour autant, son ouvrage demeure optimiste : « Ce
que l'homme a créé, il peut le détruire, il peut aussi le refaire de
toute autre façon. Si nous apprenons à temps cette leçon, l'homme peut
être sauvé de son propre anéantissement final, au moment même où il se
proclame tout-puissant. »