Catalogue d'exposition au CCA du 4 novembre 2014 au 19 avril 2015.
Regarder l’architecture aujourd’hui nous laisse trop souvent sur
notre faim. Les formes normalisées estompent les différences culturelles
pour finalement, pourrait-on croire, en évacuer les pratiques de la vie
quotidienne. Les intérieurs, univers cachés qui répondaient à nos
besoins particuliers, ont subi le même sort et un profond sentiment de
vide en émane.
L’exposition Des pièces à ne manquer revendique l’importance
de l’acte d’habiter et constitue, pour cette raison, une collection
d’espaces domestiques (porches, cuisines, chambres, penderies, salles à
manger, cours, jardins, vestibules, séjours, bureaux, coins de détente
et salles d’eau) réinventés par deux architectes très différents,
Umberto Riva à Milan et Bijoy Jain à Mumbai. Ceux-ci se rejoignent
néanmoins dans l’attention qu’ils portent aux détails de la vie à l’intérieur ainsi qu’à nos rituels communs que sont le réveil, le bain, les repas, le divertissement et le sommeil.
Umberto Riva, qui a, au cours des cinquante dernières années,
travaillé presque exclusivement dans sa ville et son pays d’origine,
redéfinit l’organisation traditionnelle de l’espace consistant en une
suite de pièces définies individuellement dans le but de créer un
paysage intérieur fluide. Bijoy Jain, conscient des coutumes locales et
de la singularité du climat en Inde, façonne les volumes qui
caractérisent son travail en tenant compte de leurs relations avec la
cour, lieu de rassemblement à ciel ouvert.
Alors qu’Umberto Riva met à profil la culture de la production
artisanale qui a fait la renommée de l’Italie dans les années 1960 et
1970, Bijoy Jain, qui est retourné en Inde au milieu des années 1990
après des études aux États-Unis, s’est lentement imprégné des
connaissances tacites des matériaux locaux et des méthodes
traditionnelles de construction négligées à la faveur d’une
industrialisation effrénée. Umberto Riva est préoccupé par la conception
de tous les détails des espaces qu’il crée, des lampes et poignées de
porte jusqu’aux pergolas et puits de lumière, conférant de la dignité à
tous les matériaux, même les plus banals. Bijoy Jain s’entoure de
nombreuses ressources, tant humaines que matérielles, inscrivant son
travail dans le cadre d’économies et de systèmes de production
architecturale existants.
Ces « pièces » situées à Milan, Mumbai, Otrante ou Ahmedabad et
évoquées dans les installations d’Umberto Riva et de Bijoy Jain au CCA
donnent un aperçu des réflexions soutenues de ces deux architectes
quant à la négociation des subtiles particularités du quotidien. Même si
ces intérieurs ne peuvent à eux seuls sauver notre vie privée, en
danger croissant de disparition, ils offrent des prises auxquelles
rattacher nos pratiques, identités individuelles et désirs les plus
humains.
- Mirko Zardini